Hiver 1764. Village de la Besseyre-Saint-Mary.
Quelques mois déjà que la mort endeuille le pays de Gévaudan. Quelques mois déjà que rôde le monstre appellé "La Bête" par les paysans du cru. On parle d'un loup gigantesque, d'une créature de cauchemars envoyée par Dieu pour châtier les mauvais chrétiens et les païens. Les attaques se comptent par dizaines et sont de plus en plus violentes. De plus en plus meurtrières. Personne ne se sent en sécurité désormais.
C'est la peur au ventre qu'on s'en va travailler aux champs, garder le bétail ou puiser de l'eau à la source perdue au coeur de la sombre forêt. Les armes de fortune des paysans terrifiés ne peuvent rien contre la Bête. Personne ne peut rien contre elle. Elle tue puis disparaît sans laisser de traces. Echappe aux battues. Pour reparaître plus enragée encore quelques jours après.
Les victimes sont souvent retrouvées nues, leurs vêtements gisant à quelques mètres du corps. De même que leur tête, parfois. Certains ont été retrouvés sauvagement mutilés, égorgés, éventrés ou décapités. On murmure même qu'il y eut des victimes violées. Car la Bête féroce ne s'attaque guère aux hommes, voyez-vous. Seulement aux femmes, aux enfants et aux adolescents.
Un corps a été retrouvé il y a quelques jours dans les bois près de Saint-Mary. Trois autres personnes ont croisé le monstre et lui ont miraculeusement échappé. La Bête est aux portes du village. Les Dragons de Duhamel sont en chemin pour traquer l'animal. Ainsi que d'autres envoyés royaux. La terreur s'insinue dans chaque chaumière, jusqu'au plus profond des esprits. De jour comme de nuit, l'on tremble de rencontrer le Fléau de Dieu. Mais certaines rumeurs prétendent que la Bête ne serait pas seule. Que l'enfer ne serait déchaîné par la main de Dieu mais bien par la main de nos pairs.
Aujourd'hui, à l'heure la plus sombre qu'ai connu le pays de Gévaudan, chacun est en danger. Chacun aussi est
suspect.